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Chapitre 3 : Du support à la forme

 

 

1. Une forme pour chaque support


Certaines particularités du graffiti hip-hop restent liées aux efforts que faisaient les premiers writers new-yorkais pour adapter au mieux leur travail aux surfaces offertes par les voitures du métro (note 257). A La Chaux-de-Fonds, l’artiste est confronté à une multitude de supports différents et il répond à cet état de fait par une diversification de ses œuvres. Chaque support appelle ainsi une forme différente : le train demande une lisibilité maximale en un temps très court, les murs illégaux exigent une œuvre créée très rapidement alors que les lieux saturés en graffs favorisent la recherche de nouveauté. Chaque tag ou chaque graff va alors répondre à une fonction différente (lisibilité, rapidité ou innovation, par exemple) suivant son emplacement (note 258).


Après avoir étudié séparément les formes du graffiti hip-hop et les caractéristiques des supports sur lesquels ils s’inscrivent habituellement, nous allons pouvoir ici nous intéresser aux relations qui existent entre ces deux sujets. Les différents types de tags et de graffs ne sont pas disséminés au hasard dans la ville et, pour comprendre véritablement le graffiti, on doit s’efforcer de saisir ce rapport étroit (note 259). Nous nous sommes déjà attelés à définir les critères qui guident les writers dans leur choix du support (note 260). Il nous reste donc ici à saisir comment s’opère le choix des formes, en gardant en tête que les deux opérations sont en général simultanées et intimement liées.

 

 


2. Quelle technique ?


Nous avons jusqu’à présent peu traité l’aspect purement technique du graffiti. Sans entrer dans les détails, il est nécessaire de passer en revue les différents outils du writer et de tenter de comprendre comment la technique est choisie en fonction du support, car ce choix va peser largement sur les formes de l’œuvre. Les deux pratiques les plus courantes sont la peinture au spray et l’utilisation de gros feutres indélébiles, les markers.


Le tagueur, s’exprimant sur des surfaces de différentes matières, toujours avec une seule couleur, va utiliser l’un ou l’autre de ces procédés. Le graffeur quant à lui utilisera toujours des bombes de spray (note 261), tout en préparant parfois le mur d’une couche de peinture “dispersion“ (Ill. 177).


Le feutre indélébile est utilisé par les tagueurs sur des surfaces lisses comme des panneaux de circulation, des vitres, des chéneaux ou sur tout matériau métallique ou plastique. Il n’est en général pas utilisé sur des surfaces comme le béton ou la pierre, qui le détruiraient trop rapidement. Les traits du marker sont assez larges par rapport à ce que ferait un feutre classique, mais pas assez pour pouvoir produire des formes de très grande taille. C’est pourquoi il est totalement inutile dans la réalisation d’un graff.


Le spray permet une application sur des surface poreuses comme la pierre ou le béton, ou sur tout autre type de surface. Si une bombe d’une seule couleur suffit au tagueur, le graffeur peut quant à lui transporter plusieurs dizaines de bombes. Il faut surtout noter que les bombes de spray présentent l’avantage d’être accompagnées de “caps“ (note 262), buses de différentes tailles qui peuvent faire varier la taille du trait selon les besoins. Dès lors, la fine ligne d’un tag de petite taille (Ill. 58) comme le remplissage complet d’une surface immense (Ill. 122) peuvent être réalisées avec une bombe du même type, grâce à des caps différentes. En prenant comme exemple une fresque chaux-de-fonnière (Ill. 178), on peut facilement noter les différents types de lignes : l’intérieur rose est sans doute réalisé avec un trait aussi large que possible, l’outline est ensuite réalisée avec un trait plus fin et l’intérieur des lettres est décoré d’éléments encore plus fins. Pour terminer, un trait bleu très large constitue l’“outside highlight“.


Ainsi, si le marker présente l’avantage d’être plus discret à utiliser (note 263) et à transporter, la bombe de spray reste l’outil qui permet le mieux de s’adapter à toute les situations, à toutes les supports. Deux autres techniques viennent s’ajouter au spray et au marker : le bâton de cirage et une sorte de large marker appelé poska dont la peinture est soluble à l’eau. Ces deux outils permettent, sur des surfaces du même type que celles sur lesquelles le marker est utilisé, d’inscrire des traits plus larges. S’il est difficile de les distinguer l’une de l’autre, ces deux techniques sont facilement différenciables du marker ou de la bombe de spray, par le fait que leurs traits sont beaucoup moins compacts (Ill. 179). Les exemples d’œuvres réalisées au cirage ou au poska restent rares mais certains artistes semblent utiliser ces techniques parce que le fait qu’elles soient plus facilement effaçables peut être une circonstance atténuante en cas de jugement (note 264). Il n’est donc pas étonnant que le poska et le cirage soient utilisés surtout dans des lieux où le graffiti est illégal.


La caporal Paillard évoque également la technique du grattage (d’où vient d’ailleurs le terme “graffiti“ (note 265)) mais, dans le cadre du graffiti hip-hop, nous n’en avons trouvé aucun exemple à La Chaux-de-Fonds.
Finalement, l’impression au jet d’encre (Ill. 138) et le dessin avec des feutres traditionnels (Ill. 78) sont les techniques utilisées sur les autocollants et les affichettes que certains writers collent sur les murs de la ville.

 

 

 


3.1 Quelles types de formes sur quels supports ?


Nous avons déjà établi quels secteurs sont, en ville de La Chaux-de-Fonds, les plus touchés par les graffiti hip-hop, reste ici à se demander quels types de formes on trouve dans ces endroits. Après une courte observation des murs de la ville, on se rend déjà compte que chacun des lieux touchés par le graffiti hip-hop renferme un type d’œuvre précis. Le fait que chaque support offre des conditions de réalisation différentes mène à ce que, naturellement, des œuvres du même type se retrouvent aux mêmes endroits. Ainsi, les endroits où le graffiti est autorisé va permettre le développement d’œuvres dont la durée de réalisation n’est en rien comparable avec les quelques secondes que demande la réalisation d’un tag en toute illégalité.


Nous allons ici interroger la carte (note 266) des graffitis chaux-de-fonniers pour tenter de définir avec précision quels graffiti se trouvent en quels lieux et quelles en sont les raisons. Nous aborderons également quelques supports particuliers qui, sans être à proprement parler des lieux, présentent également des particularités propres qui engendrent des formes bien précises.

 

 

 

 

3.2 Ubiquité du tag


Le graff illégal à la Chaux-de-Fonds et largement regroupé autour des voies de chemin de fer (note 267). Le tag par contre, essentiellement illégal, se dissémine un peu partout dans la ville. On le trouve principalement dans des rues fréquentées à l’abri d’une surveillance policière trop importante, aux alentours de lieux-clés comme la gare ou Bikini Test ou encore près des endroits acquis aux graffiti autorisés (note 268). Accessoirement, on trouve des spécimens isolés dans tous les lieux possibles et imaginables.


Le writer refuse d’être cantonné dans des endroits qu’on lui désigne et veut voir son œuvre toucher un public aussi large que possible. Le spectateur-type est pourtant souvent trié sur le volet, un grand nombre de tags se trouvant dans des endroits fréquentés plutôt par un public jeune (ascenseur de la gare, Bikini Test, alentours de bars comme le Dublin’s (note 269)), voire un public de connaisseurs (alentours du terrain vague de la rue de la Ronde et du passage souterrain du Grand-Pont (note 270)). Pour obtenir une exposition maximale, l’artiste ne peut pas se contenter d’utiliser le graff, sa réalisation demandant trop de temps pour qu’il soit possible d’en faire usage dans un endroit surveillé. Dès lors, l’immense majorité des œuvres illégales à la Chaux-de-Fonds sont des tags. Cette forme prend alors un rôle publicitaire, publicité pour le writer lui-même ou pour ses graffs qu’il faut, quant à eux, aller chercher là où ils se trouvent.


L’illégalité engendre donc des formes simples, reproductibles et, surtout, rapidement réalisables. Si l’on compare le passage souterrain du Grand-Pont et la cage d’escalier de l’ascenseur de la gare, on se rend compte à quel point la nature du support est capitale pour la compréhension des formes du graffiti hip-hop : alors que les deux endroits semblent présenter beaucoup de similitudes, les murs du premier sont couverts de graffs alors que ceux du second, ne bénéficiant pas d’un statut y autorisant le graffiti, sont recouverts presque exclusivement de tags. Le tag est un moyen pour les writers de marquer leur fidélité à un mouvement illégal tout en prenant un risque minimum : les graffs, qui sont les plus difficile à réaliser illicitement, sont alors cantonnés dans des lieux autorisés tandis que le tag, souvent empreint de défiance envers l’autorité, permet de garder une part de subversion.


Lorsque le graff est illégal, comme pour insister sur la singularité de la performance, il peut alors être accompagné de phrases comme “Hardcore will never die“ (Ill. 180), “Ilegal style“ (Ill. 181) ou encore “Once a vandal always a vandal“ (Ill. 182), façon pour l’artiste de rappeler qu’il est le représentant d’une pratique traditionnellement tournée vers le vandalisme.

 

 

 

 


3.3 Tolérance, légalité et graffs


Une grande partie des graffs de la Chaux-de-Fonds sont soit confinés dans des secteurs où le graffiti est toléré ou légalisé, soit issus d’un accord avec des particuliers. Les formes des œuvres qu’on trouve sur ce type de support sont en général fort différentes de celles des oeuvres illégales, y compris des graffs, car leurs conditions de réalisation sont sans commune mesure. Si l’on compare par exemple une fresque du terrain vague de la rue de la Ronde (Ill. 41) avec une oeuvre illégale réalisée près de la gare des marchandises (Ill. 114), on se rend compte qu’il y a parfois autant de différences entre deux graffs qu’entre un tag et un graff. Les œuvres que l’on trouve dans les terrains où le graffiti est autorisé utilisent souvent une multitude de couleurs et allient en général le lettrage à différentes images dans des compositions qui peuvent demander des heures de travail.


A part quelques œuvres visiblement réalisées d’entente avec le propriétaire de l’endroit (note 271), les graffs autorisés se trouvent tous soit au terrain vague de la rue de la Ronde (note 272), soit au passage souterrain du Grand-Pont (note 273). Si les formes complexes des graffs réalisés à ces deux endroits sont, à première vue en tout cas, relativement similaires, quelques différence importantes, dues à la différence de statut des deux endroits, sont à noter. En effet, si ces deux lieux présentent beaucoup de similitudes dans l’espace qu’ils ont à offrir et la facilité avec laquelle un graff peut y être effectué en toute tranquillité, leur statut juridique n’est pas tout à fait similaire : le passage souterrain du Grand-Pont est un lieu où le graffiti est légal, alors que le terrain vague de la rue de la Ronde bénéficie uniquement d’une tolérance de la part des forces de l’ordre et du propriétaire. De plus, le premier est un espace ouvert, que les passants utilisent régulièrement, alors que le second est cloisonné par des barrières qui empêchent tout un chacun d’ avoir vue sur toutes les œuvres qui s’y trouvent.


Comme nous l’avons vu (note 274), dans le passage souterrain où peuvent intervenir des artistes ignorant les règles en vigueur dans le milieu et l’histoire du graffiti local, le writer a tendance à surprotéger ses œuvres. Sur le terrain vague, on pourra noter une autre particularité : c’est certainement l’endroit de la ville où les formes destinées à un public averti sont les plus présentes. Les autoportraits (Ill. 152 et 158) ou les représentations pleines de références au monde du hip-hop (Ill. 152 et 155) sont en effet fréquents dans cet espace finalement réservé presque exclusivement aux writers eux-mêmes, ceux-ci devant faire l’effort d’escalader un grillage pour pouvoir s’approcher des murs (Ill. 12). On le verra, cette distance entre public et créateur est également pour certains artistes un moyen de jouer avec les particularités du support (note 275). Un point commun entre ces deux espaces est que la style war, la recherche d’œuvres pleines de nouveautés semble y être bien plus forte qu’ailleurs (note 276). Non seulement le writer y a tout le temps nécessaire pour travailler dans les meilleures conditions mais, en plus, l’espace étant très vite saturé, il ne peut espérer se démarquer par la quantité et il doit profiter au maximum de chaque centimètre carré à sa disposition pour proposer un graff dont la composition marquera les esprits (note 277).

 

 

 

 

3.4 Les abords des lignes de chemin de fer


Murs de taille intéressante, exposition, tradition, facilité d’accès : on a déjà évoqué les motifs qui font que les abords des lignes de chemin de fer sont un lieu apprécié des writers. Pour toutes ces raisons, l’immense majorité des graffs illégaux de La Chaux-de-Fonds y sont regroupés (note 278). Les œuvres qu’on y observe, contrairement à celles des lieux où le graffiti est autorisé, doivent être effectuées rapidement et dans des conditions difficiles, de nuit la plupart du temps. De plus, les artistes doivent prendre en compte le fait que les seuls spectateurs possibles se trouveront dans un train, ces zones étant en général invisibles pour le piéton. Ces deux remarques nous aident à comprendre pourquoi les œuvres que nous pouvons observer dans ces endroits sont souvent des graffs aux grandes lettres certes - pour qu’elles soient identifiables de loin et même à grande vitesse - mais d’un degré de complexité bien moindre que les graffs légaux (Ill. 65, 115, 128, 167, 183) . Les personnages et autres illustrations y sont en effet rares, la composition se résumant en général à l’essentiel : un lettrage facile à identifier. L’économie de couleurs et d’éléments décoratifs s’explique certainement autant par une volonté de limiter les risques d’être attrapé que par les conditions nocturnes qui, rendant le travail plus difficile, poussent les artistes à opter pour des formes qui ne soient pas trop complexes.


Les zones industrielles aux abords des lignes de chemin de fer offrent souvent des murs de plus grande taille que ceux que l’on trouve généralement au centre ville. Certains graffeurs vont en profiter pour y exposer des œuvres qui, gardant une hauteur à peu près classique, sont beaucoup plus allongées que dans le format habituel (Ill. 184, 185, 186) (note 279). Tenko, Kdim et leurs collègues utilisent également un mur extrêmement long, s’inscrivant sur deux bâtiments conjoints, pour créer, certainement de façon légale, une grande fresque toute en couleurs (Ill. 61 et 187). Alors que plusieurs artistes y sprayent des lettrages différents, les personnages de Tenko, sur un thème animalier d’ailleurs, assurent la cohésion de l’ensemble. Dès lors, si l’oeuvre n’est pas à proprement parler narrative, elle rappelle la comic-strip (note 280) par ses nombreuses illustrations et surtout par sa forme allongée.

 

 

 

 

3.5 Le train


Le train est un support très particulier pour plusieurs raisons. Tout d’abord, comme support originel du graffiti hip-hop, son attrait est très fort sur l’artiste à qui il assure une exposition itinérante. Ensuite, il est extrêmement risqué à graffer (note 281) et, finalement, sa surface offre des caractéristiques bien précises auxquelles il faut s’adapter. Parce qu’il risque gros lorsqu’il s’y attaque, le writer va d’un côté choisir des formes réalisables rapidement et, de l’autre, va tout de même chercher à sprayer une œuvre qui soit plus visible qu’un tag, pour rentabiliser en quelque sorte le risque encouru. Ainsi, les trains ne semblent pas vraiment touchés par les tags mais par des graffs aux formes très basiques et souvent très grandes (Ill. 19, 188).


On peut distinguer différents types de graffiti sur les trains, chacun relevant d’une lecture différente du support (note 282) : le “panel“ qui s’inscrit sous les fenêtres du wagon, le “top-to-bottom“ qui utilise toute la hauteur du wagon ou encore le “whole-car“ ou le “whole-train“ recouvrant respectivement toute la voiture ou le train entier. Lors de notre étude nous n’avons hélas pas trouvé à la Chaux-de-Fonds d’exemples pour chacune de ces catégories. Notons tout de même un “panel“(Ill. 189) qui utilise un espace virtuellement situé entre les portes et sous les fenêtres… mais sur un train n’en ayant pas (!) et un “top-to-bottom“ ou “whole-car“ (Ill. 122).

 

 

 


3.6 Supports intermédiaires


En réponse à la répression qui empêche les writers, spécialement ceux qui ont déjà été condamnés parfois à plusieurs reprises (note 283), de s’exprimer librement là où ils l’entendent, certains ont décidé d’abandonner le contact direct du mur pour utiliser ce que l’on pourrait qualifier de “supports intermédiaires“. Ainsi, depuis quelques années, autocollants (Ill. 78, 138) et parfois affichettes (Ill. 190, 191) sont décorés par des writers et collés dans les rues de la ville.


Si cette technique “sans risque“ permet aux writers voulant éviter les inconvénients liés à leur pratique de garder une activité artistique en contact direct avec la rue, elle ouvre également de nouvelles possibilités d’exposition. Ainsi, dans des endroits comme Espacité où tags et graffs ne se risquent habituellement pas, autocollants ou affichettes sont des instruments de “colonisation“ pour le graffiti hip-hop (Ill. 191 (note 284)).


Ces créations sont réduites à des surfaces relativement restreintes mais gardent en général les mêmes proportions que les graffs traditionnels. Les techniques utilisées sont alors le feutre noir (Ill. 78), l’impression jet d’encre en noir et blanc (Ill. 171) et parfois la peinture (Ill. 190). L’œuvre peut donc rester autographe comme lorsqu’elle est directement apposée sur le mur, ou n’être plus qu’une reproduction, à la manière d’affiches publicitaires.


Il existe d’autres façons de détourner la répression tout en refusant de se cantonner dans les lieux désignés par les autorités : le tag sur les affiches publicitaires, le graffiti sur la neige ou encore le traçage de son tag sur de la poussière. Toutes ces pratiques produisent des œuvres fort éphémères qui pourront pourtant rester visibles parfois plus longtemps que certains tags et qui, surtout, seront remplacées à volonté, le facteur risque étant ramené à zéro. Ce type de technique permet, par exemple, de faire circuler son nom sur un train sans courir les risques qui sont habituellement très élevés (Ill. 192 et 193). De la même manière, utiliser les affiches comme support rend possible l’utilisation d’emplacements déjà sélectionnés pour leur exposition maximale (Ill. 22) (note 285).


Par un tag ou un élément précis, le writer peut tisser des liens entre ses œuvres sprayées et son travail sur des supports intermédiaires. Soy tague ainsi de la même manière sur le mur (Ill. 86) que sur un autocollant (Ill. 78), alors que UNO reprend un personnage graffé (Ill. 143) sur une affichette (Ill. 162). Parfois, le motif récurrent n’est attribuable que par la signature d’une œuvre légale ou tolérée. C’est par exemple grâce à un graffiti sur un tas de neige (Ill. 194) que l’on peut identifier UNO comme étant l’auteur du personnage qui, lorsqu’il est graffé de manière illégale, n’est pas signé (Ill. 143).


Si ces pratiques, certes marginales, peuvent sembler anecdotiques, elles sont en réalité symptomatiques de l’acharnement des writers à être vus par tous les moyens et sous toutes les formes. Nous sommes alors à des lieues des définitions qui estiment que le support mural est le critère principal pour déterminer ce qu’est un graffiti (note 286).

 

 

 


4.1 Insertion sur le support


Après avoir choisi son support, il reste à l’artiste le soin de réaliser une œuvre qui s‘y insère de manière adéquate. C’est dans cette phase ultime que le writer sera véritablement confronté à son support, devant y apposer son tag ou son graff. Si le graffiti hip-hop n’est pas – et nous avons déjà insisté sur ce point – une forme d’art brut ou d’improvisation, c’est dans sa réalisation même que l’œuvre pourra prendre quelques libertés par rapport à la forme arrêtée du tag ou du dessin préparatoire. En effet, confronté à des contraintes matérielles différentes selon les endroits, l’artiste devra trouver des solutions adéquates pour insérer au mieux l’œuvre dans son environnement (note 287).


4.2 Utiliser l’espace comme cadre


Si le writer peut utiliser des procédés formels pour délimiter son oeuvre (note 288), il peut également l’insérer sur le support de telle manière que celui-ci lui serve de cadre (note 289). Ainsi, très couramment, une vitre (Ill. 195), une porte (Ill. 196) ou tout autre élément architectural, encadrent tag ou graff, les mettant en valeur tout en délimitant leur espace propre.


Dans bien des cas, on se rend compte que le cadre est recherché tout à fait sciemment et que, sur un mur complètement immaculé, c’est spécifiquement l’endroit qui encadre le mieux la composition qui est choisi (Ill. 197). Le cadre peut aussi fonctionner pour chaque lettre individuellement, le tag étant alors (Ill. 198) divisé pour répondre à un cas architectural spécifique.


Des éléments extérieurs peuvent également servir de ligne directrice à l’artiste, délimitant par exemple le début et la fin du graff (Ill. 199).

 

 

 

 

4.3 Occuper l’espace


Comme pour mieux marquer sa présence, l’artiste s’attache fréquemment à remplir tout l’espace à sa disposition. Ainsi, alors que le tagueur utilise toujours une forme plus ou moins similaire, celle-ci pourra varier lorsque le support s’y prête. A la manière de certaines calligraphies arabes dont la taille des lettres varient pour mieux s’inscrire sur la page (note 290), ou de signatures médiévales qui s’allongent ou se raccourcissent en fonction du blanc de la feuille restant à remplir (note 291), le tag peut s’allonger et son lettrage peut même changer si tout l’espace choisi n’est pas utilisé. Un exemple comme celui que propose l’illustration 77 nous montre deux tags s’insérant entre deux éléments architecturaux différents. Dans le deuxième cas, comme pour profiter d’un trop grand espace sur la droite, l’artiste n’utilise plus son tag habituel “HAÏNE“ mais une version rallongée “HAÏNONER“. De plus, comme si cela ne suffisait toujours pas, il rajoute encore un élément en spirale absent de la première composition. Dans cette optique, la flèche prend une fonction que nous n’avons pas encore abordée : remplir un espace (Ill. 200 et 201). Elle devient alors un moyen pour le tagueur d’agrandir son œuvre, d’être plus remarqué, tout en altérant au minimum son tag original, reconnaissable justement par son forme unique.


Lorsque l’œuvre se heurte à une limite, ses lettres sont adaptées pour qu’elle puisse s’inscrire en entier sur le support. Par contre, lorsque l’espace est ouvert, le lettrage est libre de s’agrandir, de se déformer même, comme attiré par le mur blanc (note 292). Un “367“ peut ainsi sembler être coincé sous le rebord d’une fenêtre alors qu’un autre, ayant plus d’espace à disposition, s’étire de bas en haut, un élément en forme de coulure sous le “367“ inférieur accentuant même ce mouvement vertical (Ill. 202).

 

 

 

 

4.4 Se démarquer


Dans un espace saturé, la “guerre du style“ va jouer encore plus que d’habitude : pour être remarqué, pour que sa signature soit efficace, il faut développer des formes toujours nouvelles, spécialement lorsque l’agrandissement ou la reproduction excessive sont rendus impossibles par un manque d’espace (note 293). Ainsi, il n’est pas étonnant de voir que les schèmes les plus novateurs se trouvent dans des endroits où non seulement la légalité permet un travail en toute tranquillité - condition nécessaire sans doute à de nouveaux développements - mais où il est nécessaire de se démarquer par ses formes pour exister (note 294).


Lorsque, comme au terrain vague de la rue de la Ronde ou au passage souterrain du Grand-Pont, l’espace est saturé et que même des endroits habituellement laissés vierges sont attaqués (Ill. 34), le writer peut se démarquer de la masse soit, comme nous l’avons vu, par une recherche d’originalité, soit par des moyens purement techniques.


Le procédé le plus courant est alors certainement l’agrandissement des lettres qui permet à la composition de dominer l’ensemble, à la manière d’un titre (note 295). Sur des couches successives de tags rendus illisibles, un graff rapide mais imposant, peut permettre de s’assurer une présence remarquée (Ill. 203). Soy choisit, au terrain vague de la rue de la Ronde (Ill. 204), un espace en hauteur et, plutôt que de s’adresser au spectateur se trouvant dans l’enceinte du terrain, il agrandit sa signature pour la rendre reconnaissable depuis la rue, la démarquant ainsi de toutes celles des autres qui ne sont lisibles que de près. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, conscient de la distance qui le sépare de son public, il soigne moins les détails dans cette oeuvre qu’ habituellement.


Un autre moyen de se démarquer est : la couleur. L’utilisation d’une couleur lumineuse sur un fond relativement sombre (Ill. 205) peut ainsi permettre de mettre en valeur un lettrage. Le lettrage est d’ailleurs, dans cet exemple, constitué uniquement de l’outline, l’intérieur des lettres étant ainsi rempli par l’arrière-plan.

 

 

 

 

 

4.5 Jouer avec les particularités des supports


Après un tour d’horizon assez général sur les façons dont les formes peuvent s’insérer sur un support, nous allons à présent nous attarder sur des exemples concrets d’œuvres qui répondent aux caractéristiques inhabituelles de certains espaces.


Cherchant à utiliser l’ensemble de l’espace disponible tout en respectant les autres graffs, certaines compositions (Ill. 206) peuvent prendre des formes tout à fait étonnantes, jouant les contorsionnistes pour éviter les éléments architecturaux gênants et les œuvres des autres artistes. La forme traditionnelle rectangulaire et horizontale est alors mise à mal pour mieux s’adapter au support.


Lorsque le besoin s’en fait ressentir, le graff peut aussi quitter sa surface plane unique pour s’inscrire sur deux plans différents (Ill. 207 et 208). La forme de la composition n’en est pas fondamentalement chamboulée, mais le procédé permet à l’artiste de s’offrir un espace plus vaste.


De la même manière, les compositions traditionnellement à dominantes horizontales peuvent se tourner vers la verticalité dans certains cas spécifiques. Le tag “noma“ (Ill. 209), habituellement horizontal et aux lettres liées peut ainsi, si le support est trop étroit pour qu’il puisse garder sa forme originelle, se lire de haut en bas, perdant au passage son aspect cursif. Pour ne pas avoir à altérer leur signature, d’autres tagueurs optent, dans un même cas de figure, pour une rotation de 90 degrés, favorisant ainsi une lecture picturale plutôt que scripturale.


Dans un endroit fermé et réservé à un public de spécialistes comme le terrain vague de la rue de la Ronde, le writer peut jouer avec le spectateur extérieur de manière tout à fait particulière. Soy y occupe un espace si étroit (Ill. 210) qu’il ne serait habituellement certainement pas utilisé, ou alors uniquement par des tagueurs. Ici pourtant, le mur a un emplacement tout à fait intéressant car il lui permet d’instaurer le dialogue avec le public maintenu à distance par une barrière. Sa composition est d’ailleurs tout à fait accessible pour un spectateur non-initié, ce qui est moins évident pour certaines autres de ses œuvres à cet endroit. Son personnage semble interpeller le passant, lui faire un clin-d’œil comme pour l’inviter à s’approcher, tout en lui rappelant, d’un air un peu agressif marqué par une bouche entrouverte laissant apparaître ses dents, qu’une barrière le sépare d’un monde auquel il n’appartient pas. Ce dialogue entre deux univers est encore accentué par le fait que, juste en face du terrain vague, la vitrine d’un magasin soit utilisée pour exposer des toiles du même artiste (Ill. 105). La rue sert ainsi de publicité illégale à l’artiste qui propose, tout à fait légalement, de travailler sur commande. Elle lui permet également de conserver sa crédibilité envers son public habituel, les toiles présentées ne lui étant pas directement destinées. Les formes présentées sur toiles sont en effet loin des compositions “élitistes“ que l’on peut trouver sur le terrain vague, mais plutôt des sortes de cartes postales visiblement faites pour pouvoir répondre au goût du plus grand nombre. L’artiste peut alors, en adaptant ses formes à ce qu’il croit être apprécié par un nouveau public qu’il connaît mal, en abandonnant le lettrage notamment, perdre la spécificité pour laquelle il était respecté dans la rue. Par une telle démarche commerciale, l’artiste court évidemment le risque de perdre une réputation bien ancrée d’artiste de rue pour devenir un artiste “institutionnel“ médiocre (note 296). Conscient de ce danger ou simplement passionné, il ne peut visiblement pas se résoudre à abandonner le graffiti illégal. Ainsi, alors que ses toiles sont en vente d’un côté de la ville, des inscriptions comme “Once a vandal always a vandal !“ (Ill. 182) peuvent être lues à quelques encablures de là seulement (note 297). De la même manière, un numéro de téléphone est parfois laissé sur un graff, façon d’indiquer que l’on peut entrer en contact avec l’artiste si l’on souhaite passer une commande (Ill. 211). On est alors bien loin de l’anonymat recherché par les artistes qui travaillent de façon illégale qui font tout pour ne pas être identifiés. Soy va d’ailleurs jusqu’à passer le bonjour au Caporal Paillard sur une œuvre tout à fait légale du souterrain du Grand-Pont (Ill. 212), façon pour l’artiste de montrer que, pour cette fois, rien ne pourra être entrepris contre lui et qu’il peut rire de l’habituel jeu du chat et de la souris entre writers et forces de l’ordre !

 

 

 

 

5. Indépendance et commandes


Si certains graffs issus de commandes (note 298) semblent rester proches de ceux réalisés à l’initiative de l’artiste lui-même (Ill. 213 par exemple (note 299)), d’autres s’éloignent fortement des formes qu’il utilise habituellement (note 300). Ainsi, un exemple neuchâtelois (Ill. 214) - que nous nous permettons d’utiliser ici parce qu’il émane de graffeurs chaux-de-fonniers et qu’il illustre à merveille notre propos – nous montre une immense fresque n’ayant plus grand chose à voir avec le graffiti hip-hop, si ce n’est quelques lettrages relégués en bordure de la composition et l’utilisation de la technique du spray. Pour des raisons financières certainement, certains artistes se tournent ainsi sans problème vers des commandes, même si leur liberté artistique est mise à mal. Ironiquement, c’est ce genre de démarche qui permet d’être vu par un public large et varié et surtout d’être considéré comme des artistes plutôt que comme des vandales. Il est révélateur que le seul exemple de graff choisi par Rutti pour son étude du trompe-l’œil en pays neuchâtelois soit cette fresque à propos de laquelle il parle de “juvénile créativité“ (note 301).


Lorsque le graff est utilisé non plus par des artistes issus du mouvement hip-hop mais par des non-initiés à des fins publicitaires, le détournement atteint son paroxysme. Ainsi, lorsqu’une organisation religieuse (Ill. 215) utilise le graffiti pour tenter d’accrocher l’attention de la jeunesse, on est très loin de la nature contestataire et élitiste des origines.

 

 

 

 

6. L’institution muséale : un support possible ?


Comme l’objet ethnographique, trop souvent exposé hors de son contexte, naturalisé par un musée qui le coupe de ses racines et de ses fonctions (note 302), la place du graffiti hip-hop au sein de l’institution n’est pas évidente. Mouvement né dans la rue et développé par des artistes anticonformistes, le graffiti hip-hop peut légitimement aspirer à demeurer une forme marginale en continuant à gambader le long des voies de chemin de fer plutôt que d’être enfermé dans le zoo muséal. Alors que les marchands coloniaux ont façonné notre vision de l’art africain en ne rapportant en Europe que des objets transportables, solides, de dimensions pas trop importantes et répondant à des critères esthétiques compréhensibles par les Européens, jetant ainsi dans l’ombre de nombreuses pratiques artistiques originales (note 303), les responsables de galeries semblent aujourd’hui opérer de façon similaire avec le graffiti : les formes les plus passe-partout sont privilégiées et, surtout, aucune information n’est donnée quant au supports et aux conditions de création originelles. Les galeries se contentent ainsi généralement d’exposer des graffs “résiduels“, créés sur toiles tout spécialement pour l’occasion (note 304). Ce support nouveau, étranger au monde du graffiti hip-hop, convient pourtant mal à l’exposition de graffs à cause de ses dimensions en général trop réduites (note 305). De plus, les artistes, sachant pertinemment que leur musée est la rue et que c’est là et uniquement là que se trouve leur public privilégié, participent à ce processus en créant spécialement pour le musée des œuvres qui s’adaptent à de nouveaux critères et qui, pensent-ils sans doute, plairont à un public “différent“ (Ill. 216). Ainsi, le lettrage, base du graffiti hip-hop, tend à devenir secondaire, ou même disparaître et le rapport au support est totalement changé : passant des immenses surfaces des murs à l’espace restreint de la toile, le mouvement, le rythme ne peuvent plus être aussi marqués car le geste de l’artiste ne peut plus être si ample et si libre (note 306).


L’exposition du graffiti au sein d’une institution, de cette manière, n’est donc pas convaincante et une réflexion doit être menée sur la façon dont le graffiti hip-hop pourrait être présenté au sein des circuits officiels de l’art. Certaines expositions se sont déjà attelées à trouver des solutions pour parvenir à exposer le graffiti hip-hop d’une façon pertinente. Ainsi, plutôt que de présenter des toiles, trop souvent piètres ersatz des graffiti eux-mêmes, certains n’ont pas hésité à laisser les writers s’exprimer directement sur les murs de l’institution. De cette manière, tout le jeu entre forme et support, si important dans la rue, est reproduit dans l’exposition qui devient alors une sorte de condensé de ce qui se passe dans la rue (Ill. 217).


On peut également imaginer un autre type d’exposition, qui ne montrerait que des clichés photographiques et des dessins préparatoires, accompagnés d’informations sur l’environnement et la réalisation de l’œuvre (note 307).


Les démarches de ce type restant tout de même relativement rares, le meilleur moyen de diffuser le graffiti, outre la rue elle-même, est pour l’instant sans conteste l’internet. Les galeries virtuelles de sites comme celles d’Artcrime (note 308), présentent ainsi des photographies d’œuvres des quatre coins du monde. Le web offre l’avantage de pouvoir exposer le graffiti à un public extrêmement large, très rapidement, tout en court-circuitant les réseaux de l’art “officiel“ qui répondent difficilement aux exigences de l’exposition du graffiti hip-hop (note 309).

 

 

 

 

7. Répression

Malgré des grands principes de base qui sont en général respectés, les formes changent constamment, s’adaptant à tous les types de supports. La répression est un paramètre primordial que l’on doit toujours garder en tête lorsqu’on étudie des formes d’art illégales. C’est la répression dans le métro new-yorkais qui a poussé les acteurs du graffiti hip-hop à chercher de nouveaux supports dans les rues de New York (note 310). C’est la répression encore dans l’ensemble de cette ville qui a accéléré l’arrivée des formes du graffiti hip-hop en Europe, amenées en partie directement par des artistes à la recherche de nouveaux terrains de jeu. C’est la répression toujours qui pousse le writer à se tourner vers de nouvelles techniques comme l’autocollant et à se contenter de graffer les endroits où le graffiti est autorisé. Pourtant, tout au long de son histoire, le graffiti hip-hop a toujours continué à produire des formes interdites (note 311) et c’est seulement en comprenant la nature – illégale ou non - des supports que l’on peut véritablement comprendre les œuvres elles-mêmes.

 

 

257 Voir chapitre 2, point 3.3.
258 Si Janson (JANSON 1982) tente de démontrer que c’est souvent en cherchant à comprendre la fonction d’une œuvre d’art que l’on peut véritablement en comprendre les formes, c’est ici la condition de création propre à chaque support qui semble bien souvent dicter la fonction. Woodward explique ainsi que le tag en milieu surveillé n’a pas seulement une fonction esthétique mais qu’il marque également un acte de résistance : “To put it simply, if a tag is placed in a high security spot, it registers resistance. If the tag is poorly executed it can be read as hasty, and perhaps done by an individual without much forethougt or by a young person. A well-executed tag shows talent, style, commitment and a determined resistance“ (WOODWARD 1999).
259 Voir à ce propos l’article de Giovanni Carmine, BOMBING AND BURNING 1999, pp. 88-117 et celui de Catherine Hug, BOMBING AND BURNING 1999, pp. 52-83.
260 Voir chapitre 1, point 2.1.
261 C’est l’arrivée du spray qui permet, dans les années 1970, la réalisation d’œuvres de plus grande tailles que les tags : voir TIGHT 1996, p. 40.
262 Voir VAN TREECK 2001, p. 66 et JACOBSON DICTIONARY, sous “Cap“. Tight (TIGHT 1996, p. 40) montre comment la découverte des buses a permis une évolution vers des formes plus grandes.
263 A propos du bruit que fait la bombe de spray lors de son utilisation et son transport, voir BAZIN 1995, p. 189.
264 ANNEXE 3, question 36.
265 Voir le terme “Sgraffito“,VAN TREECK 2001, p. 345.
266 ANNEXE 2.
267 Voir note 45.
268 Voir les zones hachurées sur la carte (ANNEXE 2).
269 Voir sur la carte la zone hachurée au nord d’Espacité (ANNEXE 2).
270 Voir note 268.
271 Voir dans le catalogue les fiches des graffs 07, 08, 10, 92, 98, 99, 104, 105, 106, 107 auxquels le Caporal Paillard (ANNEXE 3, question 5) se réfère en parlant d’accord entre particuliers et graffeurs. Voir aussi les fiches 09, 90.
272 Voir note 43.
273 Voir note 44.
274 Voir chapitre 1, point 3 b)
275 Voir point 4.5 de ce chapitre.
276 Cela semble être une observation partagée par les observateurs des hall of fame français : BISCHOFF 2000, p. 159.
277 Bischoff écrit : “Multiplier des œuvres dans les terrains vagues ne permet pas vraiment d’acquérir la reconnaissance de ses pairs, sauf si elles font preuve d’une certaine originalité et d’une bonne maîtrise technique“ (BISCHOFF 2000, p. 9). Voir aussi le point 4.4 de ce chapitre.
278 Sur 86 œuvres illégales recensées à la Chaux-de-Fonds, 62 se situent aux abords de la ligne de chemin de fer.
279 Jouet remarque fort justement “Que le support ait-lui même gardé la trace de séparations régulières (fers de murs, joints entre deux panneaux industriels…) contribue à la structuration du graff : une lettre monumentale casée entre deux limites.“ (JOUET 2001, p. 111). Ici, les deux limites sont justement souvent très éloignées l’une de l’autre.
280 A ce propos, voir JOUET 2001, p. 111.
281 Voir ANNEXE 3, question 17.
282 Sur les différents types de graffs sur les trains voir : CASTLEMAN 1982, pp. 31-40, SCHLUTTENHAFNER 1994, pp. 22-29 et BISCHOFF 2000, p. 192.
283 Le caporal Paillard confirme que cette pratique n’est pas poursuivie et qu’elle est relativement récente (ANNEXE 3, questions 6 et 7).
284 Des restes d’une affichette de la même série que celle-ci étaient visibles à Espacité, mais en fort mauvais état. Nous avons donc préféré illustrer notre propos avec cette œuvre qui se trouvait quant à elle devant l’entrée principale de Métropole centre, également en plein centre ville.
285 A propos de la lutte pour les mêmes espaces entre les writers et les compagnies publicitaires, voir : LUNA 1995.
286 Voir introduction, point 1.2.
287 Là encore, la comparaison avec un artiste comme Mathieu semble tout à fait pertinente, lui qui affirme que ses gestes lui sont toujours dictés par la vie de la toile (MATHIEU 1969, p.19).
288 Voir chapitre 2, point 3.2 e).
289 A ce propos, voir BOMBING AND BURNING 1999, p. 68.
290 Sur les rapports qu’entretiennent les lettres de la calligraphie arabe avec l’espace qu’elles occupent, voir MASSOUDY 2002 , pp. 54-55.
291 Voir les exemples que donne Fraenkel (FRAENKEL 1992, p. 132-133).
292 Voir JOUET 2001, p. 111.
293 Bischoff note “Pour les graffeurs, il existe deux moyens de se distinguer de la masse : l’originalité et la quantité de graffs visibles par le plus grand nombre, sachant que l’amalgame des deux représente un certain idéal de réussite dans le mouvement.“ (BISCHOFF 2000, p. 9).
294 Voir par exemple les œuvres 37, 39, 40, 43, 120, 125 ou 126 dans le catalogue et leur emplacement sur la carte. Bischoff (BISCHOFF 2000, p.159) présente un témoignage qui insiste sur l’importance qu’a le terrain légal dans le développement de nouvelles formes.
295 A propos de l’agrandissement de certains éléments des textes médiévaux, voir DRUCKER 1995, p. 94.
296 Il risque aussi d’être dénigré par les writers “puristes“ : voir TIGHT 1996, p. 94 et SCHLUTTENHAFNER 1994, p. 127. Sur le forum du site EVAZION GRAFFIK, on peut lire “arrèton ces frèsques tjrs un peu kitch et faisons des graffs illégaux, plus personne n’en fait, et c pourtant la base !“.
297 A propos des relations entre travail légal et illégal et plus particulièrement de la nécessité pour le writer de garder un contact avec la rue même lorsqu’il expose en galerie, voir BAZIN 1995, pp. 179-180.
298 Voir note 270.
299 Un article de CDF Force (CDF FORCE 1992, p. 12) explique comment cette œuvre a vu le jour : l’artiste est entré en contact avec le propriétaire en lui présentant des esquisses et celui-ci, avec l’accord de l’urbanisme, lui a donné l’autorisation d’utiliser les murs de sa propriété, lui payant même le matériel nécessaire.
300 D’après Miller, ce n’est pas le fait de commercialiser ses œuvres qui est problématique pour l’artiste, mais la peur de perdre son indépendance (MILLER 2002, pp. 158-162).
301 RUTTI 2001, p. 64.
302 Voir LE MUSEE CANNIBALE 2002 et WASTIAU 2000. Sur la naturalisation du graffiti par le musée, voir HÜBL 1984, pp. 192-193.
303 Voir note précédente.
304 Ces remarques s’appliquent à l’exposition de Soy ayant eu lieu au Foyer Handicap de La Chaux-de-Fonds en 1999 et surtout à l’exposition de Soy et de Rydok à la Galerie du Pommier en 2000. Il n’existe malheureusement aucune publication à ce sujet, si ce n’est quelques lignes biographiques dans la publication du Centre culturel neuchâtelois (SOY ET RYDOK 2000, p. 3). Voir aussi, à propos des problèmes que pose le graffiti sur toile : STAHL 1990, pp. 138-139.
305 Voir les dimensions des œuvres présentées par la galerie du Pommier à Neuchâtel, lors d’une exposition de Soy et Ridok du 19 mai au 31 août 2000 : aucune dimension ne dépasse les deux mètres et on est loin des dimensions que l’on rencontre dans la rue : voir ANNEXE 4.
306 Comme le note Miller (MILLER 1994), le facteur risque disparaît également lorsque le graffiti entre dans un lieu d’exposition officiel, coupant complètement cette forme artistique de son contexte.
307 Une exposition ayant eu lieu à Baden en 1995 proposait une démarche intéressante en donnant des informations concernant les photographies exposées, en organisant des performances “live“ de graffeurs et en proposant parallèlement des événements d’autres disciplines du hip-hop. Voir ANARCHIE UND AEROSOL SITE. L’exposition de Soy au Foyer handicap proposait, de la même manière, la réalisation d’une fresque en direct et un concert de rap.
308 Voir ARTCRIME 2003.
309 Voir DUMKOW 1999, p. 236.
310 Voir RIOUT 1985, p. 73.
311 Bazin note que “Le repli sur les ateliers d’artistes ne sonne pas la fin du graffiti. Alternativement les expressions artistiques du hip-hop ont connu des périodes de moindre visibilité… pour réapparaître sur une nouvelle forme.“ (BAZIN 1995, p. 170).

 

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