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Chapitre 1 : Supports

 

 

 

1. Géographie du graffiti hip-hop chaux-de-fonnier


Il suffit d’une balade attentive dans la ville de la Chaux-de-Fonds pour se rendre compte que les graffiti n’y sont pas disséminés au hasard, mais qu’ils sont en général regroupés dans une poignée de lieux privilégiés, même s’il y a de nombreuses exceptions. Grâce à la cartographie des graffs et des zones les plus taguées (note 42), nous allons dans un premier temps nous contenter de recenser les endroits qui semblent attirer spécialement les writers, sans pour l’instant chercher à comprendre le pourquoi de cette attraction.

Tout d’abord, un terrain vague se situant à l’extrémité est de la rue de la Ronde, large rectangle constitué de trois immenses pans de murs et fermé au public par des barrières sur le quatrième côté, est l’un des endroits où l’on trouve le plus de graffs à la Chaux-de-Fonds (Ill. 12) (note 43). Vient ensuite un passage souterrain (Ill. 13), au carrefour entre l’avenue Léopold-Robert et le Grand-Pont, deuxième lieu-clé du graff de la ville qui, sur une surface relativement restreinte, sert de galerie souterraine à des dizaines d’œuvres (note 44). Le troisième lieu où de nombreux graffs sont visibles est beaucoup plus étendu et moins bien défini géographiquement, si ce n’est par la proximité des voies de chemin de fer. Cette zone, suivant la ligne Neuchâtel-Le Locle, s’inscrit entre le pont du Grenier à l’est et la sortie de la ville à l’ouest (note 45). Les graffs sont répartis le long de la voie, même s’ils sont plus présents à certains endroits précis comme la gare ou la gare des marchandises.


Viennent ensuite quelques endroits où l’on trouve des graffs, mais en quantité très inférieure à ce que l’on peut voir dans les trois endroits susmentionnés. Le terrain de basket-ball du collège Numa-Droz tout d’abord (note 46), dont un grand mur est entièrement graffé (Ill. 14), les environs de la salle de concert Bikini Test, ensuite où l’on trouve quelques graffs sur le bâtiment même et sur des murs alentours (note 47). La cage d’escalier de l’ascenseur de la gare (Ill. 15) est quant à elle un endroit un peu particulier où l’on trouve des graffs (note 48) mais où le tag est largement dominant, recouvrant les neuf dixièmes de l’espace qu’offrent les murs.


Nous pouvons ensuite décrire les zones où le tag est fortement présent, zones représentées par les surfaces hachurées sur la carte (note 49). La rue de la Ronde tout d’abord (Ill. 16), sans doute la plus taguée de la Chaux-de-Fonds, même si elle est relativement courte. D’autres zones se situent juste en retrait de lieux de passages importants : au nord de la place le Corbusier (Ill. 17), au sud du centre Métropole, au sud de l’avenue Léopold-Robert à la hauteur d’Espacité. Viennent ensuite quelques rues parallèles à l‘avenue Léopold-Robert, au nord : rue de la Serre, rue du Parc ou rue Numa-Droz, sur lesquelles les tags sont nombreux. Notons encore, nous en avons déjà parlé, la cage d’escalier de l’ascenseur de la gare dans laquelle le nombre de tags au mètre carré est sans doute plus élevé que n’importe où ailleurs à la Chaux-de-Fonds.

 

 


2.1 Critères de sélection du support


Nous allons maintenant tenter de comprendre les causes de ces regroupements, les raisons qui poussent les writers à choisir tel endroit plutôt que tel autre. Une fois encore, il ne s’agit pas de mener une enquête sociopsychologique sur les raisons qui peuvent pousser à s’exprimer sur un mur, mais bien de comprendre la relation qu’entretient le writer avec son support lors de son acte de création. Il peut parfois être délicat d’interpréter les observations faites sur le terrain : une maison taguée, isolée dans une rue aux façades propres, doit-elle être considérée comme l’objet d’une attaque ciblée ou est-elle la seule à ne pas avoir été nettoyée par son propriétaire après que la rue entière ait subi une attaque nocturne ? Un mur couvert de tags est-il le fruit d’un travail collectif “instantané“ ou a-t-il été recouvert petit à petit, pendant plusieurs années peut-être ? Malgré ces difficultés, il semble tout à fait possible de dégager quelques règles générales qu’appliquent la majorité des writers, consciemment ou non, lors du choix de l’emplacement à taguer ou à graffer.

Essayons tout d’abord de saisir les particularités des lieux où graffs et tags sont les plus présents et tentons de comprendre aussi le pouvoir d’attraction qu’ils exercent sur les writers. L’entretien que nous avons mené avec le Caporal Paillard (note 50) nous a permis de confirmer une première impression : les graffs à la Chaux-de-Fonds sont en grande partie regroupés dans des endroits où leur création est sans danger pour les writers (note 51). En effet, le terrain vague de la Rue de la Ronde est un endroit où, par un accord entre le propriétaire, la police et les artistes, les poursuites pour dégradation sont abandonnées. Le graffiti y est donc toléré. La situation concernant le passage souterrain du Grand-Pont est quelque peu différente : le graffiti y est non seulement toléré mais aussi légalisé. Chacun peut aller comme bon lui semble, normalement après en avoir demandé l’autorisation mais, dans les faits tout à fait librement, s’exprimer sur ces murs (note 52).


Les abords de la ligne de chemin de fer représentent donc le seul des trois endroits les plus touchés par les graffs où les writers prennent vraiment des risques pour réaliser leurs œuvres. L’attirance de cet endroit est peut être trop fort pour que l’on puisse y résister ! En effet, le train et son environnement représentent tout d’abord une sorte de support mythique, traditionnel en tout cas, celui sur lequel le graffiti hip-hop est né (note 53). Il suffit de prendre le train pour Bienne, Bâle, Zürich, Berne, Lausanne ou Genève pour se rendre compte que cette tradition est loin de s’estomper. De plus, les murs des dépôts et des bâtiments industriels qui longent les voies de chemin de fer offrent finalement les rares surfaces assez importantes pour réaliser un graff de grande taille tout en étant relativement à l’abri, la nuit, des regards indiscrets. Finalement, il ne faut pas négliger l’aspect de l’exposition : si le terrain vague de la rue de la Ronde et le passage souterrain du Grand-Pont permettent d’éviter les risques, ils confinent par contre les œuvres dans des endroits bien précis, pas spécialement bien exposés, en tout cas en ce qui concerne le terrain vague. Le train, bien au contraire, est un formidable moyen de faire passer des centaines de spectateurs devant ses œuvres chaque jour (Ill. 18) !


La cage d’escalier de l’ascenseur de la gare est un endroit de passage pour un public proche du mouvement hip-hop dont la gare est l’un des points de rencontre favori. Elle a rapidement pu devenir une sorte de zone de non-droit car elle est peu utilisée du grand public qui préfère en général l’ascenseur aux escaliers. On peut ainsi y taguer discrètement, mais elle reste un lieu où le graffiti est illégal et où l’on court le risque de voir des policiers arriver d’un instant à l’autre.


Les graffs du terrain de basket-ball du collège Numa-Droz sont réalisés sur un mur qui avait servi de support à des fresques réalisées par des élèves de l’école secondaire. Il est probable que les writers aient pensé que les embêtements seraient diminués s’ils étaient attrapés en train de graffer des murs déjà utilisés à des fins artistiques. En tout cas, c’est l’un des rares exemples de graffs illégaux à un endroit qui soit si peu à l’abri des regards. Il faut également noter que le public de cet endroit est un public ciblé, le basket étant un sport souvent proche du mouvement hip-hop. De plus, comme la voie de chemin de fer, les murs des terrains de sport sont un support traditionnel pour le graffiti, l’un des premiers à avoir remplacé les voitures de métro (note 54).


Tags et graffs visibles sur les murs de Bikini Test et aux alentours directs de ce bâtiment témoignent eux aussi d’une volonté de s’adresser à un public particulier, cette salle de concert étant le seul endroit où des concerts de rap, branche musicale du mouvement hip-hop, sont organisés sur le sol chaux-de-fonnier. C’est également un lieu éloigné du centre ville, offrant des murs à l’abri des regards indiscrets.


La rue de la Ronde, couverte de tags, doit certainement cela avant tout à la proximité d’un terrain légal qui entraîne un mouvement continu de writers dans les alentours. De plus, la figure de proue du graffiti local y a élu domicile, ce qui contribue à faire de cet endroit un lieu privilégié de rencontres et de performances (note 55).


Les autres rues très touchées par le tag sont en général des rues proches de l’avenue Léopold-Robert, des endroits fréquentés mais suffisamment éloignés des grands axes routiers pour réduire les risques d’être pris en flagrant délit par une patrouille de police. Si l’avenue centrale de la ville elle-même semble épargnée c’est non seulement parce qu’elle est fortement surveillée et éclairée, même la nuit, mais c’est aussi le fait de la politique prônée par les autorités. En effet, après quelques attaques observées dans le passé, on a conseillé aux victimes d’effacer systématiquement et immédiatement le moindre tag effectué. Il semble que cela ait découragé les tagueurs qui ne courent dorénavant plus le risque d’œuvrer sur la rue la plus surveillée de la ville pour que leurs tags ne soient visibles que quelques heures (note 56).


On constate, en dehors de ces lieux précis, des supports particuliers, disséminés dans la ville, qui ont un pouvoir d’attraction particulier sur les writers.

On a vu pourquoi les alentours des voies de chemin de fer sont tout particulièrement touchés par le graffiti. Pour des raisons similaires, le train lui-même est le support du graffiti hip-hop par excellence. C’est en effet sur des voitures de métro que les premiers writers se sont exprimés et le support mobile reste aujourd’hui une sorte de pinacle pour les artistes. Si, de nos jours, c’est sur le mur que l’on peut trouver la majorité des œuvres, c’est avant tout pour des raisons pratiques : les surfaces murales sont plus nombreuses, plus accessibles et surtout moins risquées. Pourtant, le pouvoir d’attraction des trains restent assez important pour que certains writers bravent tous les dangers. Les raisons en sont simples : en inscrivant son nom sur un train, on s’inscrit tout d’abord dans une tradition (note 57), on assure ensuite à ses œuvres une vitrine importante, véritable exposition itinérante qui permet de s’exporter vers d’autres public (Ill. 19). Finalement, on a l’assurance d’être alors respecté pour avoir osé entrer dans le cercle fermé des writers qui s’attaquent aux trains (note 58).


Les panneaux de circulation sont régulièrement recouverts de tags (Ill. 20). C’est certainement avant tout leur surface lisse et bien en vue qui plaît aux tagueurs munis de gros feutres qui s’abîmeraient trop vite sur des surfaces rugueuses. Autocollants ou petites affiches sont également faciles à coller sur ces surfaces métalliques. Le panneau de signalisation offre également à l’œuvre un cadre arrondi ou rectangulaire. L’aspect de défiance face à une répression symbolisée par les panneaux d’interdiction semble plus difficile à soutenir, malgré ce qu’en pensent certains auteurs (note 59). Il faut toutefois noter que, même si chaque tagueur ne le sait pas forcément, une trace sur un panneau de signalisation entraîne automatiquement une poursuite judiciaire, du fait d’une loi particulière (note 60).


L’affiche publicitaire, comme le tag et le graff, doit être vue. Son emplacement est choisi pour qu’un maximum d’yeux se posent sur elle chaque jour. Les writers, en détournant ce support de son but originel, bénéficient dès lors d’une exposition maximale ; leur recherche habituelle d’un lieu en vue leur est dans ce cas épargnée. Le papier est, là aussi, une texture parfaite pour les tags au feutre. Surtout, le tag sur affiche n’entraînant jamais de poursuite à la Chaux-de-Fonds (note 61), il permet aux tagueurs de s’exposer facilement dans des lieux très en vue comme la gare CFF (Ill. 21 et 22) où il est en général relativement difficile de déjouer la surveillance. Le tag sera certes plus éphémère que s’il était réalisé au spray sur un mur, mais il pourra sans crainte être réitéré à volonté.


Autre support particulier, propre à la Chaux-de-Fonds : la neige (Ill. 23, 24, 25). La pratique du graffiti sur la neige pourrait paraître totalement anecdotique. Elle est en réalité tout à fait représentative de la volonté des writers de multiplier les supports et d’être vus partout ! Quelques semaines dans l’année, les fraiseuses transforment les amas de neiges en véritables murs immaculés ; un nouveau type de support s’offre alors aux artistes. Là encore, on imagine que le graffiti sur ces murs provisoires est moins enclins à attirer des ennuis aux writers qui y voient alors un moyen d’exposer leurs œuvres dans des endroits inimaginables en temps normal, devant la Grande-Fontaine (Ill. 26) ou en face de la place le Corbusier par exemple (Ill. 27). De plus, et c’est là l’essentiel, l’utilisation d’un support si original attire immédiatement l’attention sur les œuvres, comme en témoigne d’ailleurs un article dans l’Impartial, qui parle pour l’occasion non pas de délinquance mais de “sympathique clin d’œil“ (note 62). Une telle démarche permet de se faire plus de publicité durant les quelques jours que vont vivre les œuvres que ne le fera un tag ou un graff sur un mur en plusieurs années.Dans un excellent article, Jacques Jouet résume très bien, de la façon la plus simple, la contradiction devant laquelle l’artiste est placé : “Et puis, il faut que le graphe soit vu, non le graffeur en action“ (note 63). Trouver un équilibre entre ces deux éléments contradictoires sera dès lors le but de tout writer, de celui qui opte pour la légalité complète à celui qui va courir le risque le plus élevé en s’attaquant à un train. Pour y parvenir, il va appliquer, consciemment ou non, quelques règles de base que nous pouvons dégager des observations faites jusqu’à présent.


a) Créer son œuvre
Le graffiti, pour exister, doit tout d’abord chercher un endroit où il puisse prendre forme. Le premier but du writer est donc simplement de trouver un support à son œuvre, de dimensions et de texture adéquats. Pour mettre toutes les chances de son côté dans cette recherche, l’artiste, nous le verrons, a tout un catalogue de formes différentes, aptes à répondre aux exigences particulières de multiples supports.


b) Exposer son œuvre

Deuxième exigence primordiale pour le writer : faire voir son œuvre. La visibilité est donc évidemment un critère capital dans la sélection du support. On peut alors chercher un espace mis en valeur par sa position en hauteur par exemple (Ill. 28, 29). On peut également viser simplement une rue très fréquentée. Enfin, très souvent, les writers semblent affectionner non pas les lieux les plus en vue dans l’absolu, mais ceux qui attirent un public plus enclin à apprécier leurs œuvres. Il n’est dès lors pas étonnant que tags et graffs se regroupent fréquemment dans des endroits très précis, comme s’ils s’attiraient les uns les autre (Ill. 30, 31) (note 64).


c) Braver le risque
Le risque a toujours été un facteur essentiel pour le graffiti hip-hop. Dans le métro new-yorkais, il fallait à tout prix éviter le rail électrifié, ce qui ajoutait encore des sensations fortes à la pratique de cet art illégal. Le risque est un élément avec lequel les writers jouent sans cesse (note 65), toujours à la recherche de nouveaux défis et tentant ainsi de forcer le respect de leurs semblables (note 66). Prendre des risques peut également être un moyen de se faire voir dans un lieu inédit et de frapper ainsi l’attention de manière plus marquée encore : ainsi, Scote (Ill. 32) ajoute, à une œuvre créée dans un lieu à priori inaccessible, la phrase “sur un abre perché“, rappelant les conditions extrêmes de réalisation qui lui ont permis de conquérir cet espace surplombant d’autres graffs.

 

d) Assurer l’avenir de son oeuvre
Lorsque l’artiste sait que son œuvre est condamnée à ne vivre que quelques jours, voire quelques heures, et que la part des risques encourus n’est pas pour autant diminuée, il hésite certainement avant de s’attaquer au support. C’est d’ailleurs sur cette réalité que l’autorité répressive s’appuie, en prônant le nettoyage immédiat des tags et des graffs, pour éviter des dégâts trop importants sur les trains ou sur l’avenue Léopold-Robert par exemple. Le writer va dès lors se tourner plus facilement vers d’autres supports qui seront moins enclins à être nettoyés rapidement ou qui lui procureront une exposition maximale durant un laps de temps très court. Il pourra également se tourner vers des endroits où une durée de vie de l’oeuvre trop courte pourra être compensé par une absence de risque permettant un renouvellement constant. Notons encore que le nettoyage n’est pas le seul facteur qui puisse menacer un graff ou un tag : c’est souvent d’autres œuvres revendiquant un même espace, qui en viennent à bout. C’est pourquoi la recherche d’un endroit peu accessible peut devenir une chance de plus de voir son œuvre durer. Prenons comme exemple le tag “SEM“ (Ill. 33), qui se situe en dessus de tous les autres, sur un mur de la cage d’escalier de l’ascenseur de la gare. Son emplacement lui procure non seulement une exposition particulière en l’isolant d’une masse de tags peu lisibles, mais il assure en plus à son auteur qu’un writer seul et sans accessoire ne pourra jamais recouvrir sa signature.


e) Etendre son espace d’exposition

Lorsque le support traditionnel du graffiti hip-hop a dû être progressivement abandonné à cause d’une répression trop rude et que les writers se sont vu obligés de sortir du métro pour se diriger vers la rue, les murs se sont imposés d’eux-mêmes comme de nouvelles toiles. En général, ils restent le support le plus utilisé aujourd’hui, même si le train, comme nous l’avons déjà souligné, reste bien évidemment un excellent moyen d’offrir à son œuvre un espace d’exposition élargi. Pourtant, les surfaces intéressantes sont rapidement saturées et l’on ne peut pas toujours recouvrir des œuvres déjà existantes ; il faut donc trouver de nouveaux espaces. Dans un lieu aussi convoité que le passage souterrain du Grand-Pont par exemple, dans lequel le moindre centimètre carré de mur est déjà sprayé, on va ainsi s’attaquer au sol et au plafond, éléments qui ne sont en général pas touchés (Ill. 34). De la même manière, on pourra alors sprayer des tas de neige, des affiches ou encore des panneaux de signalisation.

 

f) S’inscrire dans une tradition
Le writer s’identifie au mouvement hip-hop et marque cette appartenance par le respect des codes qu’engendre ce courant : codes de conduite envers les œuvres des autres artistes, codes formels (note 67) et codes dans le choix des emplacements. En choisissant de s’attaquer à un train par exemple, le writer prend un risque important pour créer une œuvre en général très éphémère (note 68) et cela en grande partie pour s’inscrire dans une tradition, pour imiter les artistes qui ont donné naissance au mouvement dont il se réclame. La volonté de proclamer leur appartenance au mouvement hip-hop peut ainsi pousser les writers à enfreindre les règles dont nous avons parlé ici, règles qu’ils respectent habituellement.

Donc, même si le choix du support est loin de se faire au hasard, ce dernier n’est pas choisi pour effectuer une critique du symbole qu’il pourrait représenter ou de son architecture. On ne trouve par exemple pas à la Chaux-de-Fonds de critique directe de l’architecture dans les graffiti hip-hop (note 69). Si le béton ou les panneaux de circulation sont des supports privilégiés, c’est avant tout pour des raisons purement pratiques, malgré ce que semblent en penser certains auteurs (note 70). S’exprimer illégalement sur un mur est certainement une forme de protestation en soi mais cette critique, à de très rares exceptions près, n’entre pas en ligne de compte lors de la sélection du support. Le seul cas existant pourrait être les attaques menées contre le domicile de policiers s’occupant de la répression du graffiti (note 71), pratique qui reste tout à fait anecdotique à la Chaux-de-Fonds. L’acte de taguer ou de graffer ne doit pas être considéré comme un moyen de dégradation : le but de cette expression est certainement plus d’embellir que de détruire et, d’ailleurs, les writers n’hésitent pas à taguer leur propre domicile (Ill. 35) (note 72).


Nous avons décrit ici les mécanismes que l’on peut habituellement observer, séparément ou ensemble, dans le choix du support. Une foule d’autres critères peuvent entrer en ligne de compte et venir s’ajouter à ces schémas explicatifs, voire les remplacer. Ainsi, le parcours qu’emprunte le tagueur pour aller de chez lui à son lieu de sortie favori, peut devenir un élément qui prend le dessus sur toute autre règle (note 73). Notons finalement que la sélection d’un support se fait sans doute autant de manière inconsciente que consciente et que les endroits répondant aux exigences des writers sont finalement assez peu nombreux en ville de la Chaux-de-Fonds pour qu’ils s’imposent en quelque sorte d’eux-mêmes à l’artiste.

 

 


2.2 Nature des espaces choisis


Il est impensable d’envisager une approche esthétique du graffiti sans comprendre au préalable la nature des supports rencontrés. Deux types d’endroits s’offrent aux writers : ceux où leur art est poursuivi par la justice et ceux où il ne l’est pas. Dans cette deuxième catégorie, il est possible de distinguer les endroits où le graffiti est toléré et ceux où il est autorisé. Légalisation et tolérance sont deux idées à priori très proches qui induisent en réalité des relations très différentes entre writers et supports (note 74). Dans le premier cas, on offre des lieux d’exposition aux artistes, à première vue pour encourager leur art et, dans le deuxième, on cantonne les formes gênantes du graffiti dans des endroits bien délimités, là où personne ne les verra. Pourtant, dans les faits, légalisation et tolérance sont utilisées de façon très similaire : elles proposent toutes deux des espaces bien délimités aux writers et permettent ainsi de légitimer ailleurs une répression plus sévère par le fait que des espaces d’expression existent (note 75). Sans vouloir entrer dans les détails de la politique de la ville de la Chaux-de-Fonds en matière de graffiti, il faut noter que l’initiative qui consiste à proposer des murs où le graffiti peut être exercé librement relève donc évidemment plus d’un moyen de prévention pour réduire les dommages causés par les graffiti illégaux que d’une volonté spontanée d’offrir des espaces à de jeunes artistes (note 76). D’ailleurs, cette politique, couplée à une répression souvent très dure à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas le confinement qu’on leur propose (note 77), semble porter ses fruits. A en croire le caporal Paillard, les graffiti illégaux sont en nette diminution ces dernières années et le fait de proposer des murs légaux n’est pas étranger à ce résultat (note 78). Aujourd’hui, une large proportion des graffs créés à la Chaux-de-Fonds sont donc des œuvres légales ou tolérées tandis que la grande partie des graffs illégaux encore visibles datent d’ailleurs de plusieurs années déjà. Le graffiti illégal n’est pas mort pour autant, mais il prend à présent la forme de tags essentiellement.


Une autre façon d’aborder la nature des espaces tagués ou graffés serait d’opérer une distinction entre support public et support privé. Pourtant, cette approche s’avère relativement peu fructueuse : le writer ne cherchant en général pas à attaquer un symbole précis mais simplement à trouver un endroit adéquat pour son œuvre, il n’a aucune raison de choisir l’un plutôt que l’autre. De plus, comme l’explique le caporal Paillard (note 79), les risques encourus, le pourcentage de plaintes et les peines en vigueur sont exactement les mêmes dans les deux cas. Au contraire de celle opérée entre illégal, légal et toléré, la distinction entre public et privé peut donc être laissée de côté dans le cadre de notre étude.

 

 


3. La rue : musée du graffiti


Si le monde du graffiti est un univers marginal et, au départ au moins, illégal, cela ne veut en aucun cas dire que des lois n’y sont pas en vigueur. L’absence de l’institution et de son rôle traditionnel mène en fait à la création d’un ensemble de lois non-écrites, ersatz des règles du monde de l’art officiel.

 

a) Sélection
Contrairement à celles des musées, les cimaises de la rue pourraient sembler être ouvertes à tous. Pourtant, comme l’institution muséale, les writers opèrent une véritable sélection qui empêche que des œuvres jugées trop mauvaises occupent un espace convoité (note 80). Ainsi, le “toy“, pratique courante dans le monde du graffiti hip-hop (note 81) qui consiste en trois lettres apposées par un writer sur l’œuvre d’un concurrent (Ill. 37, 38, 39), est un moyen de montrer qu’une œuvre n’est pas importante, qu’elle n’est pas respectée, qu’elle n’a pas sa place à l’endroit où elle se trouve et, implicitement, qu’elle peut être recouverte. Une véritable sélection a donc lieu pour que les writers les plus reconnus puissent bénéficier des espaces intéressants. Pourtant, à la Chaux-de-Fonds, le toy n’est pas très fréquent : en effet, sans doute en grande partie à cause de la petite taille de la ville, les writers se connaissent quasiment tous, travaillent souvent ensemble et se respectent (note 82). Il arrive pourtant que l’on se batte pour un emplacement. Un graffeur peut par exemple s’approprier un mur qui avait été préparé (par une couche de dispersion) par un autre et qui portait la mention “réservé“ (Ill. 40). Le mot “réservé“ biffé et l’inscription “nick tout“ appuie ici le manque de respect pour l’artiste qui croyait pouvoir se réserver le mur. Les writers se livrent donc parfois de véritables guerres à distance pour des murs intéressants mais, en général, en ville de la Chaux-de-Fonds, la cohabitation semble être plutôt amicale et la sélection se faire d’elle-même, les artistes acceptant de voir leurs œuvres recouvertes par un graff jugé meilleur.

b) Conservation
Recouvrir un graff déjà existant, “to go-over“ (note 83), n’est jamais un acte anodin : en passant par dessus l’œuvre d’un autre writer, on lui lance une sorte de défi ou le provoque. En repassant une œuvre, il faut avoir l’assurance de pouvoir créer une forme qui sera jugée meilleure que l’ancienne (note 84). A la Chaux-de-Fonds, il semble que les recouvrements se fassent en général avec l’accord des deux parties. Il arrive d’ailleurs souvent qu’un artiste repasse par dessus ses propres œuvres. On peut ainsi voir, sous une œuvre de Soy par exemple (Ill. 41), dépasser l’un de ses anciens graffs (Ill. 42). C’est justement parce que certaines œuvres bien précises sont épargnées de ce processus de renouvellement que l’on peut parler d’un rôle de conservation dans ce monde où l’aspect éphémère domine en général. Comme pour garder une marque des différents types de formes ayant existé, pour proposer un panorama de l’évolution du graffiti dans la ville, on va en effet conserver des œuvres significatives qui, selon les règles habituelles, auraient déjà été recouvertes depuis longtemps. Ainsi, deux graffs de 1988 sont encore en place à des emplacements pourtant intéressants (Ill. 43 et 44). A première vue, ces œuvres peuvent sembler de qualité moyenne et on peut s’étonner qu’aucune autre ne les ait recouvertes. C’est sans aucun doute parce qu’ils font partie des tout premiers de la ville que ces graffs ont été épargnés : on ne s’attaque pas à ce patrimoine et cela implique une connaissance non seulement des règles en vigueur mais aussi de l’histoire du graffiti (note 85). Si aucun artiste n’a jamais pensé à s’attaquer à ces œuvres, c’est que la conscience d’appartenir à un mouvement dont il faut préserver l’histoire est très développée chez les writers. Certaines œuvres, représentatives d’un artiste important, seront également préservées. Ainsi, une œuvre de Soy (note 47) (Ill. 47) est en place depuis près de sept ans dans le passage sous-terrain du Grand-Pont, où la lutte pour l’espace est pourtant si rude qu’il est rare de voir un graff rester en place plus d’une ou deux années. Ici, le processus de sauvegarde est sans doute un peu différent : un artiste aussi respecté que Soy court peu de risques de voir ses œuvres être attaquées par d’autres. C’est donc lui qui, dans la plupart des cas, va décider quelles œuvres il veut recouvrir ou voir recouvrir par d’autres et quels graffs il veut garder comme une trace de son développement personnel. Ainsi, à la Chaux-de-Fonds, on peut aisément suivre le développement artistique de Soy, au travers de dizaines de graffs créés dans un intervalle de près de quinze ans ! Cette continuité est d’ailleurs parfois soulignée par l’artiste dans ses œuvres (Ill. 09).


La conservation passe donc par le respect qu’accordent les writers à tel artiste ou à telle œuvre. Ce respect peut au besoin être appelé par des éléments bien précis du graff. Ainsi, Soy (Ill. 48) ajoute en dessous d’une création représentant un requin, la phrase “BOUFEUR 2 TOY’S, ATTENTION, NE PAS APPROCHER“. Ce n’est pas un hasard si ce type de menace est proféré à un endroit où le graff est légal. Cet exemple va d’ailleurs nous permettre de saisir la différence fondamentale qui existe entre ce type de lieu et ceux où le graffiti n’est que toléré. Un lieu où le graffiti est toléré de manière tacite (le terrain vague de la rue de la Ronde par exemple) n’est fréquenté que par des personnes initiées, connaissant les règles posées par les autorités locales et, par conséquent, les codes en vigueur entre les writers de la scène locale. Par contre, dans un lieu comme le passage sous-terrain du Grand-Pont pourraient opérer des artistes extérieurs au cercle habituel des graffeurs chaux-de-fonniers, attirés seulement par la légalité de l’endroit et n’étant pas au courant des règles. C’est pourquoi on trouve à cet endroit des avertissements au “toys“ (Ill. 48, 49, 50), chose que l’on ne rencontre nulle part ailleurs dans la ville. Craignant que les règles non-écrites ne soient pas connues ou ne suffisent pas, on ressent le besoin de les rappeler sur le mur. On rappelle également que le respect est une valeur essentielle à ceux qui semblent l’ignorer en écrivant par exemple “on ta pas appris le respect “(Ill. 51) (note 87). De la même manière, lorsque Soy écrit sur l’un de ses graffs “From 1989-2002“ (Ill. 09), il insiste sur le fait qu’il est une figure marquante de la scène régionale et que son travail doit être respecté.


c) Consécration
Comme le musée, certains endroits de la rue sont synonymes de consécration pour les artistes qui peuvent s’y montrer. Dans de nombreuses villes, il existe de véritables musées du graffiti en plein air. Il s’agit en général de larges terrains vagues appellés “halls of fame“ (note 88) où le graffiti est autorisé. Ces espaces ont comme particularité de regrouper les œuvres des artistes les plus respectés d’une région et parfois celles de writers venant de l’extérieur (note 89).


Le terrain vague de la Rue de la Ronde correspond tout à fait à cette définition : il rassemble, sur une aire où le graffiti est autorisé, plusieurs des meilleures œuvres de la ville (Ill. 52). Graffer dans cet endroit c’est donc s’offrir un lieu d’exposition aux côtés des graffs les plus admirés. En contrepartie, il faudra non seulement respecter les règles, mais également être capable de proposer une œuvre qui ne sera pas jugée comme un toy, ce qui la condamnerait à disparaître immédiatement. Par conséquent, il ne serait pas très judicieux pour un writer novice de faire ses premières armes dans un tel endroit et c’est pourquoi, aux antipodes du hall of fame, il existe des lieux d’exercice. Quelques bâtiments industriels peu en vue, situés près de la gare des marchandises par exemple, servent de véritables bancs d’essais aux moins expérimentés (Ill. 53).


Le choix du support laisse donc également parfois transparaître le degré d’expérience du writer : est-il est un artiste confirmé ou, au contraire, n’est-il encore qu’un débutant ? Chacun a, bien sûr, la liberté de s’exprimer là où il l’entend, mais au risque d’être remis à sa place, en étant “toyé“ ou repassé par exemple.

 

d) Exposition et émulation
Pour le graffiti, la principale fonction de la rue est évidemment l’exposition. La collection présentée par la rue, nous l’avons vu, est en constante évolution. Certains supports, le train par exemple, sont choisis dans l’espoir d’atteindre un public aussi large que possible mais c’est le regroupement des œuvres en des lieux précis qui soutient le mieux la comparaison entre rue et musée (note 90). Le public, en ces endroits, est parfois extrêmement ciblé. Lorsqu’il faut, comme au terrain vague de la rue de la Ronde, passer par-dessus des barrières grillagées de deux mètres de haut pour entrer en contact visuel avec certains graffs, on comprend que ces œuvres soient faites avant tout pour les autres artistes. Le but n’est alors plus seulement l’exposition mais également l’émulation : la recherche de reconnaissance (de “fame“ (note 91)) étant essentielle pour les writers, ceux-ci s’intéressent à la concurrence, aux nouveaux développements et fréquentent ces lieux d’exposition prêts à s’emparer de telle ou telle idée (note 92). Sans que la copie en tant que telle ne soit pratiquée, la fréquentation d’un hall of fame par les writers peut être donc être comparée aux visites qu’effectuaient les copistes au Louvre par exemple. Cette émulation est aussi un phénomène de groupe : on travaille ensemble, parfois sur les mêmes fresques et le terrain devient un lieu de rencontre et d’échanges (Ill. 54) (note 93). Les collaborations ne se font d’ailleurs pas uniquement entre artistes de la région (note 94) et l’on peut observer, pas seulement sur des trains, mais aussi sur des murs, des tags et des graffs créés par des artistes ne venant pas de la région, en collaboration avec des writers locaux (Ill. 55) (note 95) ou non. On peut rappeler son origine en écrivant en toutes lettres le nom de sa ville (Ill. 56) ou son numéro postal (Ill. 57), par exemple “1020“ pour Renens, ville du groupe CMC.

 

42 Voir la carte, ANNEXE 2.
43 Voir emplacement des graffs de 113 à 142 sur la carte (ANNEXE 2).
44 Voir emplacement des graffs de 35 à 52 sur la carte (ANNEXE 2).
45Voir emplacement des graffs de 1 à 8, de 11-34, de 53 à 54, de 70 à 73 et de 80 à 89 sur la carte (ANNEXE 2).
46 Voir emplacement des graffs de 94 à 97 sur la carte (ANNEXE 2).
47 Voir emplacement des graffs de 143 à 147 sur la carte (ANNEXE 2).
48 Voir emplacement des graffs de 74 à 79 sur la carte (ANNEXE 2).
49 Voir annexe 2.
50 ANNEXE 3.
51 Le catalogage (voir ANNEXE 1) nous permet de compter 71 œuvres autorisées (légales ou tolérées) contre 86 illégales. Les graffs illégaux semblent d’ailleurs de plus en plus rares : voir note 78.
52 Voir le point 2.2 de ce chapitre concernant la différence fondamentale entre “légalité“ et “tolérance“ pour le writer.
53Voir note 8.
54 CHALFANT ET PRIGOFF 1987, p. 8.
55 Voir l’adresse de Soy dans sa fiche de présentation : FICHE DE PRESENTATION DE SOY 2003.
56 Voir ANNEXE 3, question 10.
57 Voir JOUET 2001, p. 111. Les auteurs de Style, (R)evolutions of Aerosol Linguistics (TIGHT 1999, p. 84) expliquent que le mur n’est que la moins mauvaise des solutions pour remplacer les voitures de métro.
58 Voir ANARCHIE UND AEROSOL 1995, p. 49. Le caporal Paillard explique quant à lui que se sont en général uniquement des artistes spécialisés dans les trains qui osent aborder ce support (ANNEXE 3, questions 8 et 17).
59 BOMBING AND BURNING 1999, p. 69.
60 ANNEXE 3, question 13.
61 ANNEXE 3, question 7.
62 DESSINS SUR NEIGE 2003.
63 JOUET 2001, p. 110.
64 Comme van Treeck (VAN TREECK 2001, p. 412), certains parlent de “Writer’s corner“ pour évoquer les lieux où les graffiti se regroupent.
65 A New York, certains graffeurs allaient jusqu’à se faire photographier couché sur un rail électrifié momentanément désactivé : voir COOPER ET CHALFANT 1984, p. 39.
66 La prise de risque est un facteur capital pour obtenir le respect de ses pairs : le graffeur SPON propose (TIGHT 1996, p. 9), pour voir si un artiste peut oui ou non être considéré comme un “vrai“ writer, de l’envoyer à Singapour et de voir ce qu’il oserait y graffer.
67 Voir chapitre 2.
68 Le graffs sur les trains sont nettoyés en général dans les quatre jours suivant leur création. Voir ANNEXE 3, question 10.
69 On peut, par contre, trouver ce type de critique dans des graffiti “classiques“, qui adressent plus souvent des critiques directes comme ce “c’était beau“ sur le bâtiment rénové de l’Ancien Manège (voir Ill. 36). C’est certainement à nouveau le manque de discernement entre graffiti et graffiti hip-hop qui a mené certains à vouloir absolument voir une critique de l’architecture dans le graffiti hip-hop.
70 Neumann tente ainsi de montrer que le graffiti s’attaque aux bâtiments jugés horribles, n’opérant aucune différence entre graffiti et graffiti hip-hop (NEUMANN 1986, pp. 208-210).
71 Voir annexe 3, question 18.
72 Soy tague ici son propre domicile, voir note 47. D’après le caporal Paillard (ANNEXE 3, question 9), ce n’est pas une pratique rare et cela permet même parfois d’interpeller un tagueur que l’on peut littéralement suivre à la trace jusque chez lui.
73 Bazin (BAZIN 1995, pp. 192-193) explique cette relation entre domicile de l’artiste et lieux de ses créations.Voir aussi note 64.
74 Voir point 2.2 de ce chapitre.
75 ANNEXE 3, questions 3 et 42.
76 ANNEXE 3, question 3.
77 Les peines de prison ferme ne sont pas rares pour les récidivistes : voir ANNEXE 3, question 42.
78 Voir ANNEXE 3, questions 3 et 4. Même si le faible pourcentage d’œuvres datées dans le catalogue (52 sur 157) rend fragile toute observation, notons tout de même que, entre 1988 et 2001, 17 des 26 œuvres sont illégales, alors qu’elles ne sont plus que 4 sur 26 entre 2002 et 2003.
79 ANNEXE 3, question 42..
80 Voir JOUET 2001, p. 112.
81 Voir CASTLEMAN 1982, pp. 76-78 et GOLDSTEIN ET PERROTTA 1991, p. 81.
82 Les dédicaces au pied des graffs mettent en évidence cette complicité en citant très souvent la majorité des writers de la région (voir les illustrations 45 et 46).
83 VAN TREECK 2001, p. 131, SCHLUTTENHAFNER 1994, p. 58 et COOPER ET CHALFANT 1984, p. 29.
84 ANARCHIE UND AEROSOL 1995, p. 47.
85 Voir MILLER 1991 (1) qui nous parle des traditions orales qui existent chez les writers et de la conscience qu’ils ont de s’inscrire dans un mouvement qui a une histoire. Stahl nous montre également (STAHL 1990, p. 20) que les writers connaissent non seulement les règles mais aussi les œuvres des autres artistes.
86 La place prédominante qu’occupe Soy dans la scène du graff local peut être mesurée par le nombre de ses œuvres : sur les 109 œuvres signées, cataloguées et attribuées à 55 artistes différents, on en compte 27 de Soy.
87 La phrase complète, disparue en partie au moment de la photographie, disait “On ta pas appris le respect, tu veut qu’on s’amuse à te toyer“.
88 Voir SCHLUTTENHAFNER 1994 , p. 96, VAN TREECK 2001, p. 145-146 et JACOBSON DICTIONARY sous “Hall of Fame“.
89 Pourtant, n’œuvrer que dans ces espaces autorisés n’apportera la même reconnaissance que grraffer illégalement que si les productions se distinguent par une “qualité“ exceptionnelle. Voir : BISCHOFF 2000, p. 9.
90 Le hall of fame peut être vu comme une façon de faire entrer un public qui ne fréquente ni les musées ni les galeries en relation avec le monde de l’art (CHALFANT ET PRIGOFF 1987, p. 24).
91 Sur le concept de “fame“ et l’émulation qu’il crée, voir CASTLEMAN 1982, p. 78-80, COOPER ET CHALFANT 1984, p. 28 et MILLER 2002, pp. 144-149.
92 A propos des échanges prenant place sur les terrains légaux, voir : BISCHOFF 2000, p. 155.
93 Nous n’avons malheureusement pas de photographie de writers au travail à la Chaux-de-Fonds mais les signatures multiples sur certains graffs attestent que, comme ici à Berne, on travaille souvent en groupe sur une même œuvre.
94 Le caporal Paillard confirme (ANNEXE 3, question 31) qu’il n’est pas rare que des writers étrangers soient arrêtés à la Chaux-de-Fonds et que des rencontres peuvent être organisées sur des sites internet spécialisés, avec des artistes de passage. Sur le forum du site neuchâtelois EVAZION GRAFFIK, on trouve en effet des rendez-vous plus ou moins codés pour aller graffer en groupe ainsi que de nombreux messages de writers étrangers. Sur le site AERO, on peut lire “les politics suisses ne font pas partie de l'europe mais les GRAFFeurs OUI“. Le travail en groupe et les collaborations internationales semblent d’ailleurs être des pratiques largement répandues comme le montrent Goldstein et Perrotta (GOLDSTEIN ET PERROTTA 1991, pp. 31-32), Schluttenhafner (SCHLUTTENHAFNER 1994, p. 130) et Suter (SUTER 1998, p. 100).
95 Sur ce graff, on voit les mots “SWIS“ et “FRANCE “ qui insistent sur une collaboration internationale.

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