Poubelles volées dans le quartier des Eaux-Vives, amenées en studio, éventrées et photographiées (sans réarrangement préalable). Décembre 2003, Genève. |
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Voler
des détritus, la nuit, comme un bien précieux dont l’on
s’empare, éventrer des poubelles, remuer, fouiller une sphère
privée interdite, à ban. Cadeau dont on appréhende
l’ouverture. Comble du fétichisme : immortaliser des déchets. Récupération ? Pamphlet écologique ? Etude sociologique ? La vie. Qu’est-ce qui, mieux que les restes, atteste de l’existence ? Surplus laissé à l’abandon, part maudite : dans les sacs en plastique noir traîne un parfum d’humanité. Excédent d’énergie que l’on doit gaspiller, sans cesse, pour survivre, en tant qu’homme. Ordures ? Image ? Objet ? Œuvre ? Le tableau laissé par le peintre, arraché à tout ce qui l’a créé, seul témoignage encore présent d’une idée, d’un rêve peut-être, d’un travail, d’une vie. Image qui ne parle plus, qui ne vit plus, qu’on ne comprend plus. Peindre pour consumer, pour détruire, sans la guerre. Musée-cimetière, magnifique machine à fabriquer du résiduel. Œuvre-ordure qui n’est que le rebut d’une existence, d’une dépense improductive. Poubelle donnée à un musée, dans un sacrifice superbe, contre à peine une salle au nom du donateur, contrepartie prétexte à une perte somptueuse. Victimes sanctifiées. L’artiste-bohème, l’artiste maudit. Le reste est dans l’art. L’art est ordure. Rendre visible l’invisible. |
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