Le rêve : connaître une langue étrangère (étrange) et cependant ne pas la comprendre : percevoir en elle la différence, sans que cette différence soit jamais récupérée par la socialité superficielle du langage, communication ou vulgarité ; connaître, réfractées positivement dans une langue nouvelle, les impossibilités de la nôtre ; apprendre la systématique de l’inconcevable ; défaire notre « réel » sous l’effet d’autres découpages, d’autres syntaxes ; découvrir des positions inouïes du sujet dans l’énonciation, déplacer sa topologie ; en un mot descendre dans l’intraduisible, en éprouver la secousse sans jamais l’amortir, jusqu’à ce qu’en nous tout l’Occident s’ébranle et que vacillent les droits de la langue paternelle, celle qui nous vient de nos pères et qui fait à notre tour, pères et propriétaires d’une culture que précisement l’histoire transforme en « nature ». Nous savons que les concepts principaux de la philosophie aristotélicienne ont été en quelque sorte contraints par les principales articulations de la langue grecque. Combien, inversement, il serait bienfaisant de se transporter dans une vision des différences irréductibles que peut nous suggérer, par lueurs, une langue très lointaine.


Roland Barthes, L’empire des signes

Citations d’Aristote traduites avec Google translation de Français à Anglais et d'Anglais à Japonais puis insérées dans des petites pochettes en carton et déposées dans les rues de Tokyo.
 
 

(Les hommes, et il ne faut pas s'en étonner, paraissent concevoir le bien et le bonheur d'après la vie qu'ils mènent)

           

(La verge et le coeur sont des organes qui remuent d'eux-mêmes)

                   
                           
       

(Il faut jouer pour devenir serieux)

   

(La colère est nécessaire ; on ne triomphe de rien sans elle, si elle ne remplit l'ame, si elle n'echauffe le coeur ; elle doit donc nous servir, non comme chef, mais comme soldat)

 
       

(La beauté est un appui preferable à toutes les lettres de recommandation)